SpanishRevolution : "Passer de la partitocratie à la démocratie"

Publié le par Fred

SpanishRevolution : "Passer de la partitocratie à la démocratie"

Arturo Rodriguez/AP/SIPA

.05.2011 | 18:20

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La "Spanish Revolution" prend de l'ampleur et l'indignation gagne la jeunesse italienne. Des rassemblements sont aussi prévus en France, en Allemagne et même en Inde ou au Mexique. Carlos Paredes, l’un des porte-parole de la plateforme Democracia Real Ya ! à l'origine du mouvement, a répondu aux questions de MyEurop.

Au téléphone, sa voix traduit l’énergie survoltée de celui qui jette ses dernières forces pour contrer l’épuisement. Carlos Paredes est l’un des porte-parole de la plateforme Democracia Real Ya ! (Démocratie réelle, maintenant !) rejoint par d’autres groupes, comme Anonymous et autres organisations civiles pour former le Mouvement 15-M. Les "indignés" se présentent comme a-partisans et a-syndicaux, mais pas a-politiques.

Carlos n’a dormi en moyenne que quatre heures par jour depuis près d’une semaine, happé par les obligations d’un mouvement spontané qui dépasse de loin les prévisions de sa propre organisation.

Dimanche, la plateforme avait organisé une grande manifestation dans plusieurs villes d’Espagne. Après le rassemblement, des manifestants ont décidé de camper sur la Puerta del Sol pour exprimer leur mécontentement. Délogés par la police, ils sont revenus planter leur tente sur l’emblématique place madrilène, suivis cette fois, de nombreux autres.

Aujourd’hui, ils sont des centaines installés au centre de Madrid et sur les places des autres grandes villes d’Espagne. Le mouvement commence à prendre en Italie et des rassemblement sont prévues ce week-end dans de nombreuses villes européennes (voir la carte ci-dessous ; des listes actualisées peuvent aussi être consultées ici et ).

Malgré les interdictions successives des autorités madrilènes, le mouvement prend de l’ampleur. Il ne convoquera pas de manifestations, mais que les gens qui le souhaitent pourront se réunir. Les "indignés" comptaient également déposer en début d’après-midi un recours devant le Tribunal Constitutionnel.

 

Carlos Paredes, entrepreneur et associé d’une micro-entreprise d’informatique, explique àMyEurop pourquoi un tel mouvement spontané est né en Espagne et ce que les "Indignés" en attendent. Il prend la parole avant toute question et se lance à plein dans le débat:

Ce que nous réclamons, c’est que le Gouvernement établisse des mécanismes pour que les gens puissent contrôler ce que font les hommes politiques. Actuellement, en dehors du vote, il n’y a pas de moyen de le faire et les élus ont carte blanche toute la durée de leur mandat. Or, le problème, c’est qu’il y a une professionnalisation de la politique et du syndicalisme qui fait que l’intérêt des élus est de rester au pouvoir le plus longtemps possible, au détriment de l’intérêt des gens qu’ils sont censés représenter. Nous dénonçons les incohérences qu’il y a dans le système et qui montrent que les politiques ne sont pas représentatifs : il est difficile de comprendre que le PP et le PSOE aient voté contre le fait que les parlementaires européens voyagent en classe touriste plutôt qu’en classe business alors qu’ils disent qu’il faut se serrer la ceinture. Ou que, quand une multinationale comme Telefónica enregistre des bénéfices exceptionnels, elle annonce le licenciement de 20% de son personnel en Espagne. On se rend compte que les richesses générées ne créent plus de bien-être mais se redistribuent entre des mains de moins en moins nombreuses. Tout ceci explique pourquoi les gens sont indignés".


Vous réclamez une réforme du système électoral et un plus grand contrôle sur le pouvoir économique. Comment faire?

Il est nécessaire de mettre en place une fiscalité plus juste. Que les petites et moyennes entreprises soient aussi protégées que les grands groupes qui, quand ils rencontrent des problèmes, ont la possibilité de négocier avec le Gouvernement. Ce n’est pas le cas des PME qui sont pourtant à l’origine de plus de 80% des créations d’emplois en Espagne.

Le mouvement du 15-M se réclame parfois des révoltes dans les pays arabes. Peut-on vraiment comparer le mouvement espagnol avec la situation en Égypte ou en Tunisie ?

Ce qui nous rapproche, c’est que dans tous nos pays, beaucoup de gens en ont eu assez et sont sortis dans la rueréclamer un changement. En revanche, c’est vrai qu’ici nous sommes en démocratie. Il faut tout de même rappeler, que lors d’élections libres, des gens ont voté pour Hitler ! C’est pour cela qu’il faut des mécanismes pour empêcher que les élus mettent en place des politiques qui lèsent la majorité des citoyens.

On parle de plus en plus d’Italian Revolution sur les réseaux sociaux… un mouvement qui s’inspirerait de la situation en Espagne. Y a-t-il des contacts entre les organisateurs espagnols et les Italiens ?

Je ne peux pas le garantir. Ce qui est sûr c’est que les problèmes que nous dénonçons ne sont pas seulement espagnols. Ils existent dans toute l’Europe, qu’il s’agisse de coupes dans les allocations sociales ou de réformes des retraites. Internet permet d’établir le contact entre les gens du monde entier qui partagent les mêmes problèmes. Il est donc facile pour les participants au mouvement du 15-M d’entrer en contact avec les indignés des autres pays et de diffuser les informations en temps réel.

Les politiques espagnols, de gauche en particulier, disent comprendre et même parfois soutenir le Mouvement 15-M. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Ce sont d’authentiques hypocrites. Si le PSOE trouve nos idées intéressantes, qu’il le démontre avec des réformes. Il lui reste neuf mois avant les élections législatives (de mars 2012 ; ndr) pour le faire. Et pourquoi ont-il agi de la sorte avant ?

La contestation continuera-t-elle après les élections municipales et régionales qui auront lieu Dimanche 22 mai?

Bien sûr ! Nous espérons que cela continuera et nous réfléchissons aux actions que nous organiserons pour que la situation change. Le changement est possible, de l'argent il y en a encore en Espagne. C’est juste une question de volonté politique.

Quelle forme prendra votre action ? Passera-t-elle nécessairement par des "acampadas" [campements] comme depuis le début de la semaine ?

Je ne sais pas. L’acampada n’est pas une initiative de Democracia Real Ya ! mais un mouvement spontané de gens qui ont décidé de le faire pour protester. Les gens s’organisent entre eux, ils reçoivent de l’aide pour maintenir l’action : il y a même une entreprise qui a offert des toilettes publiques pour les acampados ! Le site web vit grâce aux bénévoles professionnels de l’audiovisuel qui sont au chômage. Il faut dire que cinq millions de chômeurs ça fait beaucoup de monde qui n’a rien à faire en temps normal ! En tous cas, sur le site de DRY, il y a des vidéos à faire pâlir d’envie les partis politiques en campagne.

Les manifestations prévues demain ont été interdites et il se peut que la police cherche à vous déloger d’ici là. Comptez-vous vous plier à cette interdiction ?

Je ne sais pas. Nous n’avons pas encore pris de décision. C’est un mouvement populaire qui, en plus est très changeant : une personne qui dort un soir à Puerta del Sol peut ne pas y revenir le lendemain. Même les porte-parole et les coordinateurs du mouvement tournent. Il n’y a pas de structure pyramidale. Ce qui est sûr, c’est que, si nous obtenons gain de cause, on assistera à une seconde transition. La première transition nous avait mené de la dictature de Franco à la démocratie, aujourd'hui dévoyée par les partis politiques, celle-ci nous permettra de passer de la partitocratie à une vraie démocratie.

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